Il y a des jours avec, et des mois sans.
Tout fout le camp.
Non pas que quelque chose ait vraiment été là en fait, mais tout de même.
Les cabines des magasins de fringues savent être cruelles parfois. Souvent. Trop souvent.
Rien que les magasins, en soi, sont décevants, dans le sens où je ne trouve jamais ce que je veux.
Impossible de trouver un jean correct. Sur les vingt modèles
disponibles, aucun ne m'a plu. C'est que j'ai toujours en tête une
image assez précise de ce que je veux, que je ne trouve jamais,
jusqu'au moment où tiens, voilà que c'est la grosse tendance du moment,
qu'il n'y a plus que cela partout dans tous les rayons de tous les
magasins de toutes les villes, que j'en fais une overdose avant même
d'avoir enfilé ledit vêtement, et que je n'ai plus envie de cette sape,
vu que tout le monde la porte déjà.
Du coup je me suis rabattue sur un sarouel et une robe vert d'eau.
Le sarouel était trop court, avait la forme d'un jodhpur, reliait les fesses aux mollets en ligne droite, à oublier.
La robe était trop large en haut, le décolleté dégoulinant jusqu'au
poignet à chaque mouvement d'épaule, un coup à se retrouver un sein à
l'air en moins de deux, et à la fois trop serrée et trop courte en bas,
moulant mes fesses d'une manière obscène, et m'empêchant de lever les
bras tant la quantité de tissu était limitée, si tant est que je
souhaite lever les bras, vu que n'allant plus en cours, je suis peu
amenée à lever la main pour poser une question.
Mais l'horreur prend toute sa mesure lorsque les vêtements retournent
prendre place sur leur cintre, et que je suis là, face à la glace, en
collant et soutien-gorge, avec mes fesses grosses comme le Colorado, à
la fois larges, piriformes et plates, comme une paire de seins lors
d'une mammographie je présume, ma peau jaunâtre et molle, mes petits
boutons dans le dos, mes cheveux rêches et décoiffés, mon fond de teint
qui fait des plaques sur mon nez parce que ce dernier a une forte
tendance à peler en toute saison, le blanc de mes yeux qui hésite entre
le gris et le rouge, mon ventre flasque, mes poignées d'amour.
Je pourrais bien faire tous les efforts du monde pour être sobre et
correcte, ma simple silhouette est une offense au bon goût, ma mère a
raison lorsqu'elle dit que j'ai un corps original.
Un corps original, un corps original, est-ce un bien? Parce qu'à
choisir, moi, c'est un corps beau que j'aurais choisi, pas un corps
original. J'aurais opté pour le style classique, pas baroque, pas
cubiste non plus, merci.
Pas un corps qui me fasse me dire que tiens, puisque c'est la mode des
zips, je ferais tout aussi bien de m'en faire coudre un sur la bouche,
mais un défectueux, qui serait coincé en position fermée, pour ne plus
jamais introduire quoi que ce soit d'alimentaire dans mon gosier.
(Vous pourrez me dire que si l'on va par là, je ne pourrai plus jamais
mettre quoi que ce soit dans ma bouche d'ailleurs, mais bon, la vie est
une question de choix.)
Je suis la fille qui a inspiré l'expression "belle de loin mais loin
d'être belle". Waouh mais comme tu es belle de loin, surtout restes-y!
Belle en photo parfois. "Oh, c'est toi sur la photo? Tu es magnifique, l'on ne te reconnaît pas du tout!!!"
Je devrais donner ma photo aux gens que je rencontre, et ne plus jamais
les voir en vrai, juste les submerger de photographies toutes plus
belles et irréalistes les unes que les autres, sans jamais me
confronter à leur regard critique.
Et j'en étais là de mes constatations vues et revues, mais qui me
dépitent toujours avec la même intensité, quand mon MP3 a choisi de
diffuser "If I ever feel better" de Phoenix.
Ah oui, et sinon, finalement, j'ai acheté un gilet jaune, pour aller avec mes dents.