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N'en jetez plus.
28 février 2011

Le monde appartient à ceux qui savent ce qu'ils veulent et j'ai les mains bien vides.

je distingue mal le désir du dégoût, le désir me dérange, désirer comme être désirée m'indispose, je voudrais m'en passer, faire sans, cesser de me punir, de n'être attirée que par ce qui me repousse, excitée par ce qui m'écoeure

me démange l'idée de ne plus céder à ce que je m'impose pour dissimuler tant bien que mal le problème attitré qui est que je ne suis pas très stimulable, je ne suis pas une jouisseuse, tout ne me met pas sans dessus dessous et ce qui m'excite ne me fait pas nécessairement envie, aucun fluide dans mon sang n'est un poison brûlant, comme si je ne percevais pas vraiment les sensations en deçà d'un certain seuil, d'un degré déterminé, que les émotions devaient fatalement être fortes pour m'atteindre, me submerger pour m'effleurer, me suffoquer en affleurant, à m'en faire mêler plaisir et nausée, à m'enfermer les instincts, ainsi tout se confond, quand l'émoi se grime en dégoût, le fantasme se déguise en effroi, que mon coeur batte et je perds la face, tétanisée, que mon âme tourne et ma tête tombe, asthénique, à mes pieds, fac similé, sans savoir si je tremble pour un oui ou pour un non

j'ai le dédain délicieux du désir qui me dévisage, la haine à l'oeil pour celui qui pense que ses propositions sont un lustre, une pommade flatteuse pour le corps qu'il convoite l'eau à la bouche et la bave ailleurs, mais m'embaumer n'est pas jouer, susciter le désir m'insulte, provoquer l'envie me heurte, comme scandalisée par l'affront de qui m'envisage sans me connaître, me soupèse sans savoir, sans supposer qu'il fait erreur, que son plaisir est mon horreur, que mes rêves n'ont pas la couleur ocre du lucre, loup, soufre du sucre, roux, je me recroqueville dans la coquille ébréchée de mon corps abîmé que je voudrais hermétique, peu à peu, inexorablement, ma chair aliénée se meurt de chagrin, à chaque infime élément, incartade, intrusion, constituant un outrage à ma pudeur, ma candeur de pucelle dépossédée, priant inconsciemment pour l'abolition de l'esclavage charnel, de la dépendance, de la convention de la chose et de la peine de corps

frigide, non, rigide, oh oui, réactionnaire, pour sûr, moins missionnaire que misanthrope je ne souhaite pas être un support à douces brimades, une poupée que l'on fesse, une biche à câlins, un crachoir à caresses, trompeurs sont mes sourires, menteurs sont mes soupirs, martyr d'amours opaques, dans des mausolées de misère, est le titre honorifique par défaut, par dépit, parfois posthume, de ceux qui se taisent ou dont la voix porte trop peu

j'ai la haine de qui cherche à me ravir

mon plaisir s'arrête là où les autres me le prennent

je ne suis pas enchantée, je ne suis qu'attachée, qu'enchaînée, détachée de l'acte et ne tâchant que de faire comme il se doit, comme bon semble à tous, sans me tacher les doigts pour rester dans la course

pardon je ne partage pas

je voudrais être insensible à tout ce qui touche, souffle, vibre et frémit

je voudrais être machine, méchante, usine, hachoir

au dessus de tous faiblesse et spasme des organes coupables

ni bons ni mauvais, juste obligatoires, d'ordre tactile et tacite à l'envers à l'envi

je voudrais découper la conscience que j'ai de l'encombrement de ma carcasse reproductrice

mon sexe dans la matrice

les drôles de drames dont je suis l'actrice et qui ne font rire que moi, jaune bile, et que je n'oublie pas

asexuée amputée des obligations libidineuses inhérentes à mon sexe je serais libérée d'une chaîne de chair qui me retient à terre

la légèreté ne s'acquiert pas pour moi par ces voies pénétrables, pénétrées

m'envoler me serait plus facile via des orgasmes immatériels

je pourrais jouir de ne plus avoir à le faire

peau de fille coeur de fille

je ne sais qu'en foutre

où les mettre

dans la soute

par la fenêtre

oppressée par la dictature habitude de ma condition ma thèse, inacceptable, tendrait à affirmer que le sexe est dispensable, le plaisir accessoire, la pâmoison dispendieuse, et la jouissance vaine

je voudrais n'être là pour personne, désintéressée du désir de qui me réclame, tyrannie propriétaire, désamarrée du dérisoire élan vers des corps symétriques, compatibles au contact

cocher égoïstement sur ma liste hédoniste les cases exiguës de mes satisfactions solitaires, honorable onanisme, onirique odalisque, ode à la joie d'être loin

sensuelle et sans suite car sans milieu ni début, aliénée par les caprices ingrats du sexe farce dont je suis à la merci et qui ne s'entonnent sanction rarement autrement que sur des accords mineurs

tout ce qui m'ébranle m'isole

tout ce qui me remue me détruit

est-il si malvenu de n'être pas conçue pour le plaisir, le sien, et celui d'autrui ?

je préfère l'idée du contact au contact

la possibilité de l'action à sa réalisation

je me voudrais inaccessible, invulnérable, immatérielle et désirable, car impossible, inapprochable

je veux bien être un pur fantasme s'il est irréalisable, et vivre des extases qui n'engagent que moi dans des mondes qui n'existent pas, univers inversé, une chimère inventée

si je suis plus forte pour prendre la fuite que feu, plus douée pour faire la morte que l'amour, alors il serait de bon ton de me concéder que tout honoré qu'il fût mon ego ait l'audace de refuser les avances

honni soit qui mal y pense et me jette la première contredanse

car mes lettres de détresse déteignent sur ma transe

sous le pont de mes envies muettes le fleuve licencieux du délice ne coule, en silence, que dans un sens

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