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N'en jetez plus.
31 juillet 2009

Vois comme ta muse m'habite.

Non seulement je n'ai pas de pénis, mais je n'ai même pas non plus de gros seins pour compenser, je le prends très mal. Si j'étais dotée de melons gros comme ma tête, plus femme, si femme, je me sentirais paradoxalement plus masculine de par mon apparence agressive, de par mes formes prédatrices, au plus près des stéréotypes de ce qu'une femelle doit être, je serais moins tentée de basculer du côté viril de la force. Je me grime en poupée afin d'oublier le plus possible que souvent, c'est un garçon que j'aperçois furtivement dans la glace, par surprise, et qui disparaît dès que je m'approche.
Je me suis déguisée, moulée, colorée, maquillée, bijoutée, pomponnée à outrance, j'en ai fait des tonnes, pour que le garçon que j'abrite ne soit pas débusqué par mes proches, ou par un regard inconnu un peu plus perspicace, j'avais peur d'être démasquée, je n'assumais pas ce que j'ignorais encore, tout en moi criait je suis une fille, UNE FILLE, alors qu'enfin, ils le savaient bien, tous, que j'étais une fille... Il n'y avait que moi pour ne pas le savoir. Ou plutôt, il n'y avait que moi pour deviner, déjà, avant les mots, ce qui se tramait sous ma peau. Sous le costume de la fille, fille, fille, qui faisait tout pour planquer le garçon, existait pourtant tout autant, dans son ambivalence, celui de la drag queen. Une taille en dessous, car plus ajusté. Je ne pense pas que quelqu'un ait décelé, jamais, que j'étais une fille qui se déguise en garçon qui se déguise en fille. J'aurais tellement voulu que l'on me perce à jour quand je me démenais pour me cacher.
Je ne me trouve pas assez fille pour ne pas vouloir être garçon. J'ai l'impression d'être située à la graduation 0 de l'échelle des genres, et chargée de me déterminer toute seule.
C'est comme si la Nature avait hésité, comme moi au restaurant, face à la carte des desserts, le coeur balançant entre fondant au chocolat et tarte tatin, pour choisir la tarte tatin sur un coup de tête parce que le serveur arrive déjà pour prendre la commande, pour ensuite regretter, à la vue du fondant, dans l'assiette de ma voisine, qui a l'air tellement meilleur, finalement...
Il est possible que ce soit la raison pour laquelle j'écris, pour brandir de la main un vit métaphorique visant à pallier l'absence de celui qui devrait se trouver entre mes jambes. J'ai l'écriture utérine du garçon bien monté dont la verge ne crache que de l'encre. Mes mots tentent de me venger de ce syndrome du membre absent que je ressens perpétuellement. Ou que j'oublie, dans un leurre ne dépendant que de moi, à mon insu néanmoins, croyant que ce qui, parfois, occupe l'espace tout en haut de mes cuisses m'appartient.
Car mon être me joue des tours, le temps d'un coït, s'il est bon, me fait bien percevoir, au delà de toute raison, que je suis l'homme de la situation, le chef d'orchestre, le maître queux, mes hanches ne peuvent mentir, je sens bien, dans leur mouvement, que je manie le mandrin partant de mon bas-ventre avec une aisance forçant l'admiration, que les va-et-vient naissent de mes élans, que je suis convexe, imposant, étouffant, dans le silence et le secret des corps qui s'emboîtent personne ne pourra constater que les sexes se modèlent et s'intervertissent, tactile accord tacite passé avec des garçons plus ou moins restés, eux aussi, sur le quai de quelque gare identitaire.
Que je suis bien en toi mon ami quand j'oublie que c'est le contraire...
Mais le subterfuge s'estompe toujours, et j'ai le mal de moi, parce que le mâle, c'est toujours l'autre.
Je ne couche pas avec les garçons qui m'attirent, mais avec ceux que je voudrais être, comme un parasite, un vampire, un succube, qui se nimberait, sucerait, prônerait, de leur essence, leur sang pour s'en remplir, la transmission des forces.
J'aime ceux que j'envie et c'est ce qui me rend méchante, je suis jalouse, aigrie, frustrée, mauvaise, qu'as-tu donc fait, amour, ordure, que j'ai omis, pour mériter d'être toi quand je ne suis que moi, pour avoir un phallus, quand je n'ai, eh bien, rien, vraiment, c'est mon ressenti... Et je ne veux pas que tu me la prêtes, ta queue, connard, tu me fâches, que tu me la mettes et que tu me la reprennes, je veux que tu l'arraches, que je me la greffe, tu me fais miroiter sans le savoir des choses que je ne posséderai jamais, je ne confondrai pas être et avoir, ce sexe est pareil à cette Barbie Jasmine appartenant à ma meilleure amie et qui me faisait rêver, mais à laquelle je n'avais pas droit, moi, parce que ma mère la trouvait moche, je la regardais avec un mélange d'yeux étoilés et de coeur serré tout révulsé qui me faisait mal tellement je la voulais, j'aurais tant voulu l'avoir pour moi, la remporter dans ma chambre, la regarder avec l'émerveillement d'un amour naissant, et donc inconditionnel, jouer avec elle sans témoins... Mais je n'ai jamais pu la tenir entre mes mains autrement que dix minutes, avec d'autres, et un vague air de m'en foutre, d'abord.
Alors chéri, franchement, quand tu crois me faire une faveur en m'offrant ton corps, tu te plantes, mais à un point... Un corps masculin, je ne le possède pas, je l'habite. Si je puis dire.
Chaque corps à peau sur le déclin me claque le beignet d'une cruelle déconvenue, toujours la tristesse, la désillusion, ce relent douloureux de narquoise incomplétude, c'est la descente qui me charcute, qui me taillade les chairs, qui me torpille les nerfs, qui me torture le crâne, je m'étais crue si près d'être moi, enfin, de m'attraper, dans la jouissance, de voir réparée l'erreur administrative de la destinée, j'y étais presque, oh oui, mais je retombe inerte à côté de celui qui semble avoir arraché dans la séparation des membres un élément qu'il aurait promis de me donner.
Je ne sais pas pourquoi la fusion doit finir. Pour faire durer le mirage d'un pénis qui jaillirait de mon corps l'orgasme devrait être permanent.
Et puis merde, PUTAIN, ce que je me fais honte, aussi, de m'ouvrir, d'être humide, c'est mon corps qui me trahit, je ne comprends pas cette béance quand je voudrais combler, cette mer qui se creuse au lieu d'enrouler ses vagues, offensives et puissantes, rebouchez-moi, je n'en peux plus de ces orifices qui ne servent à rien d'autre qu'à faire courant d'air, ces ventouses, ces siphons, retournez-moi les chairs jusqu'à ce que des protubérances, des renflements, vallonnent ma topographie d'ancienne caverne, c'est horrible, cet après, d'avoir pu aimer tout ce qui me dégoûte, je voudrais mourir, je voudrais disparaître, c'est cette imposture invisible qui me crève... Qui me crève... Cette atroce soumission inhérente à ce sexe qui ment sur ce que je suis...
C'est pour cela, je crois, que je ne peux me livrer qu'à qui j'aime. Ma rancoeur est si dévastatrice, après la peau, après les langues, après les jambes, l'imbroglio grouillant de tout ce qui se cherche et se trouve et se mélange à loisir jusqu'à la collision, que l'échange des carcasses ait encore échoué, qu'aucune transmutation ne soit advenue par la force de notre connexion, qu'il n'y a que dans les bras de quelqu'un qui m'aime que je peux ravaler ma colère, que je peux tâcher de m'en remettre, il faut vraiment que je porte dans mon coeur celui qui me fait l'affront, dans ce moment de détresse et de vulnérabilité inextricablement embrassées, d'être absolument tout ce que je me sens être, sans y parvenir pourtant.
Je nage troublée entre deux eaux de vit, ni garçon manqué, ni fille ratée, je suis perdue car l'on ne me donne pas de nom, si seulement je n'étais pas en rade de fiche technique, séparée des autres de mon espèce...

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